Ricardo, vous êtes en fin de contrat avec l'AS Monaco, allez-vous signer de nouveau ?
Je dois en discuter avec le président Franzi. D'abord, il doit composer son équipe. Mais d'ici à quelques jours, cela devrait être réglé.
Mais vous, êtes-vous prêt à rester ?
Oui, je l'ai déjà dit. Mais il y a plusieurs choses à voir. D'abord, le choix de l'équipe dirigeante qui va se constituer.
Justement, à cet égard, si Marc Keller revient comme directeur du club, comme c'est la tendance, êtes-vous prêt à travailler avec lui ?
Je n'ai jamais eu de problème avec lui. Je le répète, le choix appartient aux dirigeants du club. Après, s'ils veulent que je reste, on devra discuter.
Si on vous propose de rester, vous avez aussi vos conditions ?
C'est clair. Et les dirigeants le savent déjà. Cette année, le club a beaucoup économisé. En salaires cumulés sur le terrain, l'équipe qui jouait ces derniers temps est le 19ème budget de L1. Dans ces conditions, on a réussi à être à peu près tranquille au classement. Mais cette recette ne marchera pas toujours. Il faut progresser. Si on veut se rapprocher de l'Europe, il faut non seulement garder l'effectif, mais aussi pouvoir faire venir trois ou quatre autres joueurs, bien ciblés.
Si vous étiez entendu, êtes-vous disposé, de votre côté, à accepter une baisse de salaire ?
C'est une bonne question. Mais je ne peux pas y répondre comme cela, avant d'en avoir discuté avec mon président. Et puis la question de mon salaire n'est pas un problème. Pour tous vous dire, j'ai ici le même contrat qu'à Bordeaux.
Les impôts en moins, non ?
J'ai le même contrat, c'est tout.
Pour revenir sur l'avenir de Monaco, l'orientation semble être davantage aux départs de Ruffier, de Licata, etc.
Ce que je sais, c'est que depuis mon arrivée le club a été obligé de se séparer des joueurs de valeur. On a dit oui pour Yaya Touré, oui pour Ménez cette saison. Là, ce n'est plus possible de laisser partir un seul de ceux qui ont été importants cette saison. Ça, c'est une exigence. Et ce n'est pas pour moi, c'est pour le club, son image, son statut.
C'est-à-dire ?
Ici, la référence c'est toujours 2004 (NDLR: la finale en C1). C'est normal. Monaco garde une image de grand club. Mais pour conserver ce statut, il faut agir, c'est un tournant. Il faut proposer aux joueurs des objectifs sportifs et financiers intéressants. Parce que les joueurs ne veulent pas jouer le maintien tous les ans. Sinon, on accepte de changer le standing du club. Et alors ni la presse, ni le public, ni personne à Monaco ne sera satisfait.
Quelles sont les possibilités de ce groupe ?
Déjà, je dois remercier mes joueurs. Cette saison, j'ai eu un effectif très travailleur, très propre et conscient de la situation. Avec ce groupe-là, même s'il y a peu de moyens, il faut de l'ambition. Les dirigeants sont arrivés avec une idée en tête (garder les jeunes). C'est bien. Maintenant, il ne faut pas s'arrêter là. Il ne faut pas se rater. Monaco a besoin de prendre quatre ou cinq bonnes décisions cet été, puis l'année d'après. Et ce sera bon. Alors, on reviendra à l'époque des Tigana, Puel, Deschamps... Celle des titres et des Ligues des champions.
Monaco pourra viser la Ligue des champions dans deux ans si les bonnes décisions sont prises aujourd'hui ?
J'en suis convaincu, je vois ça gros comme une maison.
C'est important ce que vous dites.
Je le sais, et j'assume. Regardez Lyon, s'ils en sont arrivés là, c'est d'abord parce que, dans les année 90, ils ont pris de bonnes décisions. Ils ont vendu ceux qu'il fallait vendre et ont su garder une ossature. Bordeaux fait la même chose actuellement.
A contrario, prendre de mauvaises décisions, ce serait quoi ?
Des exemples ? Si on laisse partir Ruffier, on perd du temps. Parce que, même si on a Roma, Thuram (le troisième gardien) n'est pas encore prêt. Et franchement, recruter sur des postes où on a déjà du monde, voilà de mauvaises décisions. On a Mollo, on va faire quoi ? Le vendre et se retrouver à recruter à son poste ? Nooonnn... Pareil pour Pino, on a fait un effort énorme pour lui, sa récupération, son adaptation. Et maintenant qu'on commence à voir les premiers résultats sportifs, on va le vendre ? Pareil pour Park, qui commence à parler français, et qui sera très fort l'année prochaine. Il faut les garder.
Sinon ?
Sinon, on peut interrompre cette dynamique. Si deux ou trois joueurs importants s'en vont, ça sera un problème. Et ça peut prendre une mauvaise tournure.
Tout ça ressemble quand même à une déclaration de candidature, non ?
Ce n'est pas forcément avec moi, ça. Mais ce qui est sûr, c'est que la politique à mener aujourd'hui est assez claire.
Si on ne vous prolonge pas, serez-vous frustré ?
Il n'y aura pas de souci. J'aurais le sentiment d'avoir fait mon travail. Je laisse une équipe qui a des possibilités, des joueurs de qualité qui peuvent progresser individuellement et collectivement, qui s'entendent bien. De plus, on voit bien que les salaires ne sont pas incompatibles avec les moyens du club. Ça aussi, c'est le résultat d'une politique. C'est pour cela que, si je pars, ce sera sans aucun regret.
Vous laisserez une situation propre ?
Exactement, vraiment propre. Et l'entraîneur qui arrivera verra clair dans l'effectif. Il n'y a pas beaucoup de moyens, mais au moins il saura exactement ce qu'il peut espérer et attendre de chacun. Le travail n'est pas fini. Ça ne veut pas dire qu'il faut absolument que cela continue avec moi. Un nouvel entraîneur peut poursuivre, en ajoutant sa patte. C'est ça, le foot. Parfois, on construit seul. D'autres fois, ce n'est pas le cas.
Si vous partez, le club fera encore étalage de son instabilité, non ?
Avant moi, en deux ans, il y a eu quatre entraîneurs. En deux ans, j'en suis à mon troisième président. Et je parle même pas des joueurs! Si on additionne tout cela, on comprend pourquoi on n'a pas été loin de rentrer dans le mur. Le prince Albert a dit récemment que Monaco n'avait pas su capitaliser sur la finale de C1 de 2004. C'est vrai. Maintenant, il faut dire stop à ça. Avec ou sans moi.
Vous paraissez très serein. Avez-vous des propositions ?
Bien sûr. Je vais travailler la saison prochaine. Il y a toujours des propositions pour un entraîneur. Pas en France. Brésil, Asie, Japon, Emirats... Le tout est d'accepter de partir loin.
Si vous partez, quel bilan tirerez-vous de ces deux saisons monégasques ?
La saison dernière a été difficile. On avait une équipe avec du talent, mais elle coûtait cher, elle n'avait pas de résultats sportifs et en plus les joueurs ne s'entendaient pas. Cette année, il y a moins de joueurs talentueux. Mais vu les moyens, vu le taux de réussite des jeunes qui sont arrivés, vu l'esprit qui règne, vu le travail, je considère que c'est une réussite. Il suffit de voir comment des garçons comme Simic ou Muller, qui ne jouent plus, ont accepté d'aider le tandem de l'axe N'Koulou-Mongongu, lancé en Janvier. Ça, c'est très fort. Il fallait des joueurs comme ça, avec ce caractère, cette expérience, mais aussi cet esprit pour permettre aux jeunes de sortir.
Mais vous avez surtout fait de la gestion, de la formation. Par rapport aux promesses qu'on vous a faites pour vous débaucher de Bordeaux, il y a sûrement quand même des choses à dire...
Quand je suis arrivé, je ne connaissais pas bien la situation du club. Je me suis adapté. Les dirigeants n'ont pas forcément le choix. C'est bien de dire qu'il faut garder Touré ou Ménez, mais il faut les payer aussi. L'année dernière, à la même époque, Jérôme de Bontin arrive et me dit "On n'a pas les moyens, on a zéro... Pour le mercato d'été il n'y aura rien!" Comment pouvais-je être exigeant dans une situation pareille ? Il m'a demandé si, malgré cela, je voulais continuer. Je savais où j'allais, j'ai assumé. Je pense que, dans le métier d'entraîneur, il y a aussi de la place pour ce genre de mission.
Vous avez entraîné le PSG, Bordeaux et Monaco. Pourriez-vous travailler ailleurs en France ?
Je n'en sais rien. J'ai envie de jouer le haut de tableau et je suis ambitieux, mais, pour cela, il faut travailler. Je garde les pieds sur terre. il y a des entraîneurs qui sont peut-être plus ambitieux que moi, qui travaillent bien et qui sont pourtant au chômage. Moi, je ne me prend pas pour un autre.
Vous n'êtes jamais resté très longtemps dans un club. Pourquoi ?
C'est vrai. Toujours deux ans. Parfois je suis parti, parfois j'ai été viré. J'ai tout vécu, j'ai tout connu. Des succès, des échecs. En treize années d'entraîneur, ce qui me manquait c'était la lutte pour le maintien. Maintenant, c'est fait.
France Football